1-Mettre en œuvre la maîtrise de la production, les méthodes et outils de résolution de problèmes :

J’ai commencé à utiliser et à mettre en œuvre des méthodes de résolution de problèmes lors de la mise en place de l’auto-contrôle en 1988 lors de mon premier emploi. Il s’agit plus précisément de  la mise en place de la surveillance des processus pour éviter la production de produit non-conformes et d’améliorer de façon continue le processus. L’objectif de la mise sous contrôle est de maintenir un processus ou les caractéristiques d’un produit dans les spécifications, et de réduire la dispersion de ce processus.

1.1- Mettre en place l’auto-contrôle sur l’ensemble du site industriel
      
N’ayant aucune connaissance sur le sujet, lors de m’a prise de fonction, j’ai commencé par la lecture du guide SPC (Statistical Process Control) du constructeur automobile FORD (qui était précurseur dans le domaine) où j’ai appris la méthodologie des cartes de contrôle et réalisé les stages SPC2 et Capabilité en 1989 en formation continue. Grace à cela j’ai réalisé la mise en œuvre du SPC (ou MSP : Maîtrise Statistique des Procédés en français) dans les procédés de fabrication de grande série des filtres à huile à l’aide de cartes de contrôle de suivi de procédés ainsi que les consignes de réaction en cas de dérives. Ce sont des cartes de contrôle X ̅/R c'est-à-dire avec calcul de la moyenne (X ̅) et de l’étendue de l’échantillon (R) par l’opérateur de production. Cela permet de donner aux opérateurs un outil de pilotage des machines pour maintenir les caractéristiques d’un produit dans des limites spécifiées (Limite supérieure de contrôle LSC et Limite inférieure de contrôle LIC) et de responsabiliser les opérationnels. J’appréhende les différentes causes assignables ou non des procédés de fabrication et ainsi je formalise la notion de capabilité d’un moyen de production. Je fais le tri entre une situation ordinaire et une extraordinaire qui nécessite une action ponctuelle.

A partir de cette étape, après  la mise sous contrôle des processus de fabrication je peux mesurer la ou les dérives des moyens de production. Pour cela j’utilise les indicateurs de capabilités Cp et Cpk qui traduisent la Qualité des pièces livrées aux clients. La capabilité, c’est le rapport entre la performance  demandée (IT de la côte) et la performance réelle du procédé (dispersion).
Je calcule les mesures de capabilités machines (Cp et Cpk) pour chaque caractéristique régulièrement en fonction d’une fréquence définie suivant le résultat du précédent calcul. C'est une capabilité opérationnelle qui est déterminée à partir des résultats portés sur les cartes de contrôle. Je  formalise sur un planning (cf. annexe 1a) ces résultats, ceci afin de replanifier les calculs et voir la dérive ou l’amélioration des processus de fabrication. Ces mesures de capabilité permettent de connaître la variabilité du procédé :

-Le Cp est la comparaison entre la spécification (l’intervalle de tolérance) et la dispersion :
où IT est l’intervalle de tolérance et σ est l’écart type de l’échantillon.       

-Le Cpk est un indicateur de centrage par rapport à la tolérance :
où X ̿ est la moyenne des moyennes, LI est la limite inférieure et LS la limite supérieure.


En fonction de la valeur de ces capabilités, soit une action est menée par les équipes support de production pour améliorer le processus de fabrication si Cpk<1,33, soit je recalcule les limites de contrôle des cartes de contrôle X ̅/R (moyenne/étendue) soit je redéfinis la fréquence d’échantillonnage ainsi que la fréquence de prélèvement suivant le tableau (illustration 1) que j’ai créé avec mon homologue d’un autre site de production ayant les mêmes types de processus de fabrication afin d’harmoniser les procédures du système Qualité du groupe.

Illustration 1 : tableau de détermination de fréquence de prélèvement



Par la mise en place de l’auto-contrôle sur le site de production, j’ai pu faire évoluer les mentalités des opérateurs et du personnel de production en général. En effet, la difficulté que j’ai rencontré au démarrage a été le refus par le personnel de s’auto-contrôler (valider que ce que j’ai fait est conforme aux attentes) car ils considéraient que s’était du travail du service « contrôle ». Le personnel sur les chaînes de production avait différents métiers avant de venir travailler sur le site. Pour cela, il a fallu que je leur démontre le bienfait de la méthode durant la formation de ceux-ci et en faisant les relevés moi-même avec eux durant une période suffisante durant laquelle nous avons identifié tous les cas de dysfonctionnement du procédé.
A force de persévérance, pour la grande majorité, l’esprit Qualité de ceux-ci est passé d’un état de la qualité produit vérifié par un service « contrôle » à un état de la qualité vérifié et maîtrisé par le personnel qui produit. Ils sont devenus responsables de leur travail.

1.2- Analyser les Non-Conformités (NC) et mettre en place des actions correctives

Dans un premier temps, au fur et à mesure de la mise sous contrôle des procédés de fabrication, le personnel de production isole des lots de produit suite à l’application des règles du MSP vu précédemment. Je recherche les causes de ces non-conformités avec les opérateurs et/ou les régleurs sur les machines. Ceci a pour but de trouver des solutions et mettre en place des actions correctives qui sont principalement l’élaboration de poka-yoké (c’est un dispositif anti-erreur destiné à éviter qu'aucun défaut ne soit créé) sur des procédés à caractères continus ou à des modifications du système Qualité (procédures, instructions, mode opératoire, ...). Le principe de base du poka-yoké est de vérifier et d’évacuer le produit conforme vers la suite de la ligne de fabrication. S’il y a un dysfonctionnement de celui-ci, les produits non-conformes partent vers les rebuts.

Pour résoudre un problème auquel je suis confronté de manière rigoureuse, j’utilise plusieurs démarches structurées et outils de résolution suivant la complexité de la problématique. Cela peut aller d’un simple questionnement « Pourquoi » répété 5 fois jusqu’à la mise en place de méthodologie plus complexe comme l’outil 8D.
Il s’agit de démarches logiques et structurées en étapes permettant de trouver une solution définitive à un problème par élimination de ses causes. Dans ces démarches, la logique que je mets en œuvre est : je décris le problème, je détermine les causes, je recherche et choisi des solutions puis j’applique et vérifie la mise en œuvre des solutions, et leur efficacité. Cette logique me permet de mettre en application un enchaînement d’utilisation d’outils. Il est essentiel de respecter cette démarche pour déterminer les causes premières et avoir un résultat efficace des actions mises en place.

1.2.1- Outils MRP simples

    -QQOQCPC (Quoi, Qui, Où, Quand, Comment, Pourquoi, Combien) :

J’emploie le QQOQCPC pour décrire de manière précise et détaillée une situation donnée que ce soit une problématique ou une non-conformité. Je l’utilise tout le temps car elle est facile à mettre en œuvre et compréhensible par tout le monde. Elle me permet de ne rien oublier dans la description d’une situation. Je considère cela très important car pour moi, un problème bien décrit est déjà en partie résolu. Souvent cette étape est bâclée et peut entraîner de mauvaises décisions.

    -Les 5 pourquoi :

J’utilise cette méthode le plus souvent possible au quotidien avec les opérateurs sur le terrain car ce sont eux qui connaissent le mieux les procédés de réalisation du produit. Cette méthode consiste à poser 5 fois pourquoi les uns à la suite des autres en ré-argumentant la question en fonction de la réponse au précédent pourquoi. On arrive ainsi à la cause que l’on appelle « première » car c’est celle qui a déclenché le problème.
J’apprécie cette méthodologie car elle est facile à expliquer au personnel et de plus les argumentations successives permettent de déshumaniser la faute en privilégiant le matériel, la méthode ou autres causes. Je l’applique sur des problèmes simples.
 
    -Brainstorming :

Sur des problématiques impliquant plusieurs personnes, services ou organisations concernées, j’utilise le questionnement qui consiste à demander aux gens que l’on réunit sur le terrain ou dans une salle de réunion, de réfléchir et de citer sans retenue (non argumentée) les causes possibles ayant entrainé le problème ou la non-conformité. Je fais rebondir les gens sur les idées citées pour en trouver d’autres en associant celles-ci. On arrive ainsi à une liste de causes potentielles non-classées qu’il faudra vérifier et quantifier.

    -Ishikawa :

Suite à un brainstorming quand une cause ne se détache pas significativement, avec le groupe je classe les causes énumérées sur un Ishikawa ou arête de poisson ou 5 M pour identifier et classifier par famille les causes possibles ayant entraîné l’effet. C’est une représentation en forme d’arête de poisson (d’où son nom) où à la place de la tête nous écrivons le problème ou la non-conformité, et sur les cinq branches classées en 5 catégories (5 M) : Moyen, Machine, Méthodes, Milieu, Main-d’œuvre. Sur ces catégories, nous positionnons les causes possibles appartenant à celles-ci. Cela permet de les regrouper quand cela est possible. J’arrive ainsi à obtenir un consensus dans le groupe de travail. C'est-à-dire que les membres du groupe associent très facilement une cause à une catégorie. Je la pratique quasiment en permanence quand je peux réunir un groupe de travail, elle me permet de représenter sur un schéma l’analyse des causes et cela me facilite la réalisation du rapport écrit pour communiquer.

Illustration 2 : Ishikawa de recherche de cause de dysfonctionnement sur la préparation de chantiers d’intervention de la division service client


    -Vote pondéré :

Le vote pondéré est un outil qui me permet de faciliter le choix entre plusieurs possibilités car je considère qu’il est important dans le groupe d'obtenir une décision consensuelle. Après le classement sur un Ishikawa dans les différentes catégories, je demande à chaque personne du groupe de choisir au plus 3 causes qu’il considère à l’origine du problème et de répartir 10 points sur ces 3 choix. Ensuite je fais le total des points de toutes les causes notées que je matérialise dans un Pareto afin de classer et de visualiser des données par ordre d'importance en fonction de critères définis.
A la suite de ces analyses et de la détermination des causes ou de la cause première, je demande au groupe de déterminer des actions correctives permettant la non récurrence du problème ainsi que de nommer des pilotes et délais pour la réalisation des actions.

    -PDCA :

Pour le déploiement des actions définies, le suivi, la vérification et la généralisation sur des processus similaire, j’utilise l’outil PDCA (Plan, Do, Check, Act) de W.E. Deming. Il permet d’avoir une démarche structurée par étapes successives (au nombre de quatre) pour obtenir un résultat conforme à l’objectif défini. La première étape, le P pour Plan, nous analysons, nous recherchons les causes et nous planifions une action. La deuxième étape, le D pour Do, nous mettons en place l’action. La troisième étape, le C pour Check, nous vérifions, nous contrôlons l’efficacité de l’action. Et enfin la quatrième et dernière étape, le A pour Act, nous démultiplions ou standardisons la solution dans des processus ou produits similaires.
Je pratique cet outil pour tous les plans d’actions afin de suivre l’avancement de chaque action. J’apprécie sa visualisation en forme de roue qui se complète au fur et à mesure de l’avancement. Je trouve cet outil très visuel pour présenter aux opérateurs en production l’avancement des plans d’actions de leur secteur.

La mise en place d’indicateurs appropriés que je détermine avec le groupe durant la résolution du problème, permet de suivre l’amélioration suite aux plans d’actions et de valider un objectif chiffré. Je favorise les plans d’actions manuscrits directement affichés au plus près de la problématique.

1.2.2- Méthodes MRP complexes

Lors de situation plus complexes à appréhender ou une imposition d’un client (exemple : le constructeur automobile Ford), je mets en œuvre des méthodes plus structurées dans la démarche par étape.

    -8D :

Le principe du 8D qui a été élaboré par le constructeur automobile Ford, est d’avoir une démarche structurée en 8 étapes et a un double objectif : assurer la continuité des flux (absence d’arrêt de production) et trouver en même temps des solutions pour éradiquer les causes racines du problème.

Les 8 étapes sont :

-je prépare le processus 8D : définir l’équipe, l’organisation,
-je décris avec l’équipe le problème en utilisant le QQOQCPC (vu au paragraphe 1.2.1),
-je mets en place des actions immédiates (dites conservatoires : tris, isolements, contrôles renforcés, ...) afin de protéger le client dans l’attente de mise en place des actions définitives et de continuer à produire,
-j’identifie les vraies causes en utilisant les méthodes et les outils traditionnels de la Qualité citées dans le chapitre 1.2.1,
-je détermine avec l’équipe des actions correctives permanentes et évalue leurs impacts potentiels,
-je fais mettre en œuvre les actions et je m’assure que les actions sélectionnées résolvent le problème au travers de relevés effectués et d’indicateurs mis en place,
-puis je vérifie s’il existe des machines, processus, produits similaires; dans un tel cas, je mets en place des actions préventives pour  démultiplier les solutions,
-enfin je félicite le groupe qui a travaillé sur la problématique car la reconnaissance des efforts entrepris est importante dans toute démarche participative. Cela me permet de pouvoir les solliciter de nouveau sur d’autres thèmes d’amélioration.

A chaque étape du 8D, je complète un rapport, que je diffuse à l’ensemble du groupe ainsi qu’aux personnes impliquées dans la problématique.

    -Plan d’expérience :

Les plans d’expérience permettent d’organiser au mieux et avec un minimum d’essais des tests lors d’une recherche de méthodologies ou de solutions. Elle quantifie le nombre d’essai et ainsi optimise ceux-ci, on connait l’influence de chaque paramètre et leur interaction.
Je l’ai utilisé pour déterminer la meilleure méthode de serrage pour l’essai de tenue en pression des filtres à huile, test effectué en auto-contrôle par les opérateurs. Celle-ci était influencée par plusieurs paramètres.
Le plan d’expérience est une méthode que je n’ai pas pratiquée souvent, elle est difficile à mettre en œuvre et pas très adaptée pour la résolution des non-conformités au quotidien.

1.2.3- Méthode participative

    -CEDAC :

  Dans la société actuelle, j’utilise le CEDAC pour faire participer les opérateurs des ateliers de chaudronnerie à la résolution de problématique de polissage.
Le principe repose sur un tableau d’affichage avec un diagramme causes-effets un peu particulier sur lequel tout un chacun est invité à ajouter des cartes (une couleur pour une cause et une autre couleur pour une solution). Je recueille ainsi les observations (Causes) et les suggestions (Solutions possibles) dans l’atelier en charge de la résolution d'un problème pré-identifié (Effet) du diagramme causes-effets. Le CEDAC est considéré comme un Brainstorming permanent au poste de travail, utilisé en résolution de problèmes ou recueil de suggestions.

Toutes ces méthodes, je les ai apprisses en formation continue et ensuite je les ai mises en pratique  sur le terrain.

1.3- Analyser les retours clients ou réclamations et mettre en place les actions conservatoires

Lors de réclamation client ou retour client, j’utilise la méthodologie 8D dans le secteur automobile et la logique de résolution de problème dans le secteur agro-alimentaire et pharmaceutique pour lequel j’adapte la méthodes suivant la complexité de la réclamation. Je formalise ces analyses dans un rapport qu’il soit de type 8D ou autres (note interne, plan d’actions). Je communique ce rapport au client et en interne dans l’entreprise. La priorité est soit la mise en place d’actions conservatoires pour les procédés de production en série ou une intervention chez le client pour les produits unitaires.

1.4- Animer le traitement du produit non-conforme

Après les analyses et la détermination des actions correctives, pour toutes les non-conformités ouvertes, je fais une vérification hebdomadaire de l’état d’avancement (en cours ou soldée) de chaque action. Je vérifie la mise en place des actions et je relance si nécessaire les pilotes en cas de retard ou de non efficacité du résultat par l’élaboration de nouvelles actions.
Je diffuse au comité de direction les indicateurs de suivi des non-conformités.

Un responsable ou ingénieur Qualité doit connaître et savoir utiliser les outils de résolution de problèmes. Il doit savoir associer la bonne méthode par rapport à la problématique, analyser une situation et animer un groupe de travail pour mener à bien la résolution du problème. Il faut aussi qu’il sache vérifier par la mesure l’efficacité des actions mises en place.
Il doit savoir communiquer dans l’entreprise et en externe vers les clients et les fournisseurs au travers de rapport d’analyse suite à la mise en œuvre de méthodes de résolution de problème. Il doit faire intégrer la culture méthodologique de la résolution de problème auprès de l’ensemble de l’organisation de l’entreprise
.

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